Été 1857 à Janvier 1858
Marie Lagües n'avait pas oublié Bernadette. "Toutes les fois qu'elle venait à Lourdes, elle déposait au fond de son panier de voyage un bouquet, un fruit, une galette, un souvenir quelconque destiné à faire plaisir à Bernadette. Celle-ci, de son côté, était demeurée très attachée à sa nourrice qu'elle appelait "Marraine", et, une fois dans l'année, elle allait à Bartrès embrasser sa seconde mère". (souvenirs intimes d'un témoin : ESTRADE).
Vers la fin de l'été 1857, Bernadette revient à Bartrès, appelée par Marie Lagües, pour la seconder.
La ferme est alors en plein essor. Il faut beaucoup de bras pour sa bonne marche,
à cette époque de l'année où le travail ne manque
pas. Il y a déjà une servante, Jeanne-Marie GARROS, employée
aux durs travaux des champs. Bernadette, elle, est chargée non seulement
de veiller sur deux enfants en bas âge : Justine (4 ans) et Jean-Marie
(2 ans), mais aussi de vaquer aux soins du ménage, corvée d'eau
et de bois.![]()
Les deux aînés de la maison, Denis, appelé aussi Zéphirin (11 ans) et Joséphine (9 ans) vont à l'école du village située tout près de l'église, à gauche, quand on a franchi la grille d'entrée au cimetière. Avec une population de 350 habitants, le village possède une classe de garçons et une autre de filles. Cette école a disparu.
Aujourd'hui, l'école*
se trouve au centre de la commune, à côté de la Mairie.
Elle est dirigée par un " professeur des écoles " qui
a la charge de 16 enfants
(en 2001), du cours préparatoire au cours moyen deuxième année.
A partir de la 6ème les enfants vont à Lourdes.![]()
* Hélas, malgré les efforts de la municipalité, le poste d'enseignant n'a pu être maintenu à la rentrée 2004, car il ne restait qu'un seul élève domicilié à Bartrès.
La ferme possède un troupeau d'agneaux et de brebis qu'il faut mener paître dans la prairie, du côté de "PUYONO", à la sortie du village, vers Lourdes. Qui va s'en occuper ? Eh bien, c'est encore Bernadette, une Bernadette toujours docile "qui ne se plaint de rien ni de personne, obéit à tous et n'a aucune mauvaise réponse", (témoignage de Marie Lagües) et qui accepte de tout faire, car déjà la fillette y voit la volonté de Dieu.
Dans ce lieu paisible, elle a le loisir de rencontrer et de bavarder avec une
de ses amies, bergère comme elle, Marie-Hélène LAMATHE.![]()
Bernadette passe donc le plus clair de son temps à travailler. Il n'est pas question d'aller à l'école comme les deux aînés de la ferme. A treize ans et demi, elle est complètement illettrée ; elle parle peu le français, mais seulement la langue des gens du peuple : le bigourdan. C'est ainsi que la Sainte Vierge s'adressera à la fillette, quelques mois plus tard.
La petite bergère ne peut suivre davantage les cours de catéchisme dispensés par M. l'Abbé ADER. Le jeudi et le dimanche avant la messe, les enfants de la paroisse se réunissent dans la chapelle de la Vierge Marie, avec, devant leurs yeux, le très beau tableau de l'Assomption, pour écouter les enseignements éclairés de ce saint prêtre.
Bernadette qui n'a aucune connaissance catéchistique sait, du moins, prier. Elle l'a appris de ses parents, de leur exemple surtout ; chaque soir, à Lourdes, toute la famille se mettait à genoux sur le sol humide et froid du Cachot et "criait" la prière.
La jeune bergère songe, cependant, à sa première communion. Sans pouvoir bien se l'expliquer, elle commence à saisir la place importante de l'Eucharistie dans la vie du chrétien.
La vie à Bartrès continue, malgré tout, monotone pour Bernadette. Durant les longues heures passées à la garde de son troupeau, elle a le temps de réfléchir à ce problème de la première communion qui la préoccupe beaucoup.
Marie Lagües s'est-elle aperçue du secret désir de 1a fillette ? Toujours est-il qu'elle se met en devoir de lui apprendre le catéchisme.
Mais que de difficultés pour Bernadette, qui n'arrive pas à retenir le mot à mot du manuel. Marie Lagües est désolée et ne peut s'empêcher de dire à la petite bergère : "Jamais, tu ne sauras rien, tu ne pourras faire ta première communion".
Et Bernadette, en larmes, de lui sauter au cou pour obtenir son pardon.![]()
Vers la fin de 1857, en Novembre, les choses se compliquent. L'abbé ADER, originaire de Vic-Bigorre (Hautes-Pyrénées), curé de Bartrès de Mars 1855 au 3 Janvier 1858, homme très pieux et très zélé, prépare son départ pour le monastère des Bénédictins à la Pierre-Qui-Vire, dans l'Yonne. Mais il ne pourra y rester très longtemps, car "trahi dans ses aspirations par une santé délicate" (Estrade), il va revenir dans le Diocèse où il est nommé curé d'Oroix ; il y décèdera, relativement jeune. Oroix était la paroisse natale de Mgr Laurence, évêque de Tarbes, au moment des apparitions.
L'hôtel "Au bon Accueil" face à la mairie et à l'école faisait office de presbytère à l'Abbé ADER. Son bureau s'y trouve toujours, ainsi qu'un escalier en bois taillé à la main.
La paroisse va donc rester momentanément sans prêtre. Bernadette
voit son rêve s'évanouir. Mais elle ne se décourage pas
pour autant. Intelligente, Bernadette, qui n'a jamais beaucoup tergiversé,
comprend que c'est le moment d'agir, et vite. Elle décide de retourner
à Lourdes. Pour cela, il faut voir ses parents.![]()
Le dimanche 17 (ou 24) Janvier 1858, elle demande à ses maîtres la permission de rendre visite à sa famille. C'est oui, mais à la condition de rentrer le lendemain matin, car le travail ne manque pas. Elle ne reviendra que le mercredi.
A Lourdes, papa et maman, heureux de revoir leur fille bien aimée, après l'avoir écoutée avec bienveillance, lèvent tous les obstacles. La "bouche en trop à nourrir" (Bernadette) peut revenir "à la maison". Ils l'enverront à l'école, chez les surs de Nevers, et surtout au catéchisme pour se préparer à la première communion.
A Bartrès, les Laguës, à qui Bernadette vient d'apprendre la nouvelle, ne veulent contrarier en rien ses désirs. Ils font preuve d'affabilité, rivalisent de gentillesse envers leur petite bergère qu'ils ne retiennent pas davantage ; ils l'encouragent et formulent les meilleurs souhaits.
Le jeudi 21 (ou 28) Janvier, Bernadette quitte définitivement le village et rentre "au Cachot" où elle va retrouver certes la faim, le froid, mais avant tout, le chemin de l'école et du catéchisme. Et c'est bien là, pour la fillette, l'essentiel.
Le Seigneur et la Vierge Marie qui avaient façonné l'âme
et le cur de Bernadette durant ces quelques mois à Bartrès,
l'attendaient pour vivre une aventure extraordinaire. Notre Dame allait faire
de cette fillette, certainement la plus pauvre de Lourdes, sa confidente et
sa messagère auprès des hommes, lui apprendre ce que les riches
et les savants ignorent à cause de leur suffisance.![]()